173 km en VTT électrique dans l'Altaï mongol

Le bruit de la rivière qui grondait dans le canyon se mêlait au sifflement du vent. Et puis, au milieu de ce vacarme naturel, un silence s'est imposé, un silence artificiel et total : celui de mon moteur. Panne de batterie.

 

Au cœur des paysages grandioses de l'Altaï mongol, mon VTT à assistance électrique venait de se transformer en un poids mort de 25 kilos. C'est à cet instant précis, en donnant mes premiers coups de pédale "en musculaire", que j'ai vraiment compris ce que j'étais venu chercher ici. Pas un défi physique éreintant, mais une contemplation itinérante. Heureusement, mon salut n'était pas loin.

 

Mais comment en suis-je arrivé là ? Pour le comprendre, il faut revenir quelques jours en arrière.

Coucher de soleil sur le lac Üüreg dans la province d'Uvs
Coucher de soleil sur le lac Üüreg dans la province d'Uvs

Tengis et moi avions un peu de temps devant nous avant de retrouver un groupe de voyageurs à Khovd pour notre aventure "e-bike Altai".

Nous venions de traverser une bonne partie de la Mongolie avec notre UAZ, un robuste fourgon russe 4x4 transformé en atelier mobile, indispensable pour la maintenance et la recharge de nos vélos.

 

Partis du lac Khyargas, nous faisions face à un dilemme pour contourner le massif du parc national de Turgen. La chaleur étouffante de la cuvette du lac a vite tranché le débat : nous avons choisi l'altitude, sa fraîcheur et ses panoramas. Notre itinéraire était tracé : du lac Üüreg, nous rejoindrions Ölgii via le lac Achit, le tout en VTTAE, pour savourer le paysage sans succomber au dénivelé, au vent et à la redoutable "tôle ondulée".

 

Nous sommes arrivés au lac Üüreg (1400 m) en fin de journée, avec un plan simple : attaquer le lendemain le col à 2600 m. 

Des yourtes au lac Üüreg
Des yourtes au lac Üüreg
Fin de la descente - Direction lac Achit
Fin de la descente - Direction lac Achit

Après un orage nocturne qui a lavé le ciel, je me suis élancé pendant que Tengis suivait avec l'UAZ. La pente était raide, mais plus qu'une simple ascension, l'effort semblait en parfaite harmonie avec le paysage. J'ai même pris le temps d'observer le vol plané d'un rapace qui tournait dans le ciel, loin au-dessus de moi.

 

C'était ça, la contemplation itinérante. Arrivé au sommet, en sueur mais pas épuisé, le panorama à 360° s'est ouvert sur un océan de montagnes arides, des vagues de terre et de roche aux teintes ocre, seulement striées par le vert timide des cours d'eau loin en contrebas. Une descente magnifique m'attendait.

 

La suite fut moins idyllique. Le bas de la descente s'est transformé en un faux plat descendant balayé par un vent de face. La fameuse tôle ondulée mêlée au sable a fait son apparition, créant une ambiance de "sèche-cheveux" géant. Les pistes de l'Altaï sont, sans conteste, les plus cassantes que je connaisse.

 

Nous avons atteint le lac Achit, fatigués mais heureux. Le spectacle était saisissant : le bleu intense du lac contrastait magnifiquement avec ses différentes rives, une mosaïque de terre et de sable ocre. Une fois le campement monté, je me suis fait la réflexion que jamais je n'aurais pris autant de plaisir sur un vélo classique dans ces conditions.

Le lac Achit à cheval entre les régions mongoles d'Uvs et de Bayan-Ölgii
Le lac Achit à cheval entre les régions mongoles d'Uvs et de Bayan-Ölgii

C'est le lendemain, alors que nous longions la rivière Khovd dans ce fameux canyon, que je me suis laissé absorber par le paysage. Au point d'en oublier ma jauge de batterie... jusqu'à la panne. C'est là que j'ai rejoint le début de cette histoire, et que j'ai attendu avec reconnaissance que Tengis apparaisse avec l'UAZ. Il est arrivé, m'accueillant avec ce sourire de spécialiste qui en dit long, avant de me tendre une batterie neuve.

La contemplation pouvait reprendre.

 

À la sortie du canyon, à une vingtaine de kilomètres d'Ölgii, une baignade dans la rivière fut une délivrance. Sur cette dernière portion, les rares véhicules roulaient à tombeau ouvert, seule façon de lisser les vibrations. J'ai atteint Ölgii en milieu d'après-midi. Le contact des pneus avec le bitume de la dernière descente m'a procuré une sensation incroyable, celle de glisser sur un tapis volant. Le silence et la douceur, quel contraste !

 

Étonnamment, sur tout ce périple, je n'ai subi aucune crevaison. Au total, cette aventure aura couvert 173 kilomètres de pistes en seulement deux jours, une belle surprise pour conclure mais surtout une preuve éclatante de la fonctionnalité et de la résistance de notre matériel.

(De haut en bas, en rouge) Du lac Üüreg au lac Achit pour arriver à Ölgii.
(De haut en bas, en rouge) Du lac Üüreg au lac Achit pour arriver à Ölgii.