La traversée du lac Khovgol

Avec Mathieu en kayak ! 2002

Quand la découverte rencontre la passion

 

Quand Matthieu part en Mongolie avec Côme, spécialiste de ce pays, c’est l’imaginaire qui rejoint le réel. Déroutante Mongolie. Pays de steppes, de dunes et de montagnes. Pays d’immense étendues, de mystères où règnent les dieux et les démons.

Enclavée entre la Russie et la Chine, la Mongolie représente trois fois la surface de la France. les descendants de l’empire des Khans, deux millions et demi de cavaliers mongols et kazakhs, y vivent dans l’immensité de la steppe herbeuse ondulant à perte de vue. Les Mongols, dignes et courageux bergers nomades, doivent composer avec ces forces puissantes pour pouvoir survivre dans l’immensité du territoire, dans les chaleurs torrides et les record de froid. Ils continuent de vivre sous la yourte de feutre. Les chevaux restent un des meilleurs moyens de locomotion dans ce pays presque sans route ni pistes. Jusqu’à la frontière sibérienne, les cavalier rencontrent peu d’obstacle dans ces paysages sans arbre. d’après les récits et les témoignages, ce pays semble faire partie d’un autre temps, d’un autre monde... 

 

Il est possible que cette aventure ait commencé par un rêve. Nous nous sommes imaginés faire une expédition en kayak sur le lac Khövsgol, et nous l’avons faite.

Début septembre

 

Nous arrivons à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. Pour aller au lac, point de départ de notre expédition, nous trouvons un chauffeur avec qui nous discutons de l’itinéraire et négocions le prix. L’essentiel pour réussir cette aventure était de réduire, en terme de volume et de poids, l’ensemble de nos bagages. Rien n’est laissé au hasard dans l’organisation et la répartition des sacs : les kayaks pliés ont une taille et un poids minimes, tous les sacs sont étanches et de couleur différentes pour les repérer plus vite, la tente est divisée en deux, etc. Malgré cela, le chargement avoisine déjà les 100 kg.

Quelques jours plus tard, nous arrivons enfin à Hanh. Cette ville, qui se trouve à 25 km de la frontière russe, semble être la ville du bout du monde au bord de cette immense étendue d’eau, le Khövsgol, ce lac que les mongols appellent Océan. Situé à 1646 mètre d’altitude, il est long de 125 km et d’une largeur maximum de 50 km ; nous sommes devant un décor de 2700 km de bleu profond !

 

Cela fait dix mois que nous préparons cette expédition, que nous y pensons, que nous en parlons, que nous en rêvons… Dix mois que les listes de matériel, de carte, de point GPS font des allers-retours entre nos ordinateurs. Dix mois que nous imaginons tout, pour ne pas être surpris et désarmés lors de notre expédition. Nous avions tout imaginé sauf cette incroyable beauté de la nature, cet enchantement. Ici, l’élément le plus caractéristique est l’immensité. L’expression “à perte de vue” prend tout son sens, car la luminosité et la transparence de l’air permettent une vision très lointaine, une profondeur de perspectives, bien au-delà de ce dont nous sommes accoutumés en Europe occidentale. Même les photos peinent à montrer cette dimension.

Le temps s’arrête… et l’expédition commence

 

Après nous être accordé quelque temps pour l’émerveillement, nous devons nous ressaisir très rapidement. Les distances et les infrastructures ne nous permettent pas de rêvasser, nous sommes là pour remonter ce fleuve et, une fois engagés, le demi-tour ou le “j’arrête là” ne seront plus possibles. Les réponses aux questions vont s’imposer à nous, juste le temps de déplier les kayaks. On se lance ! L’essai est concluant et plutôt excitant ; demain enfin le grand départ. Nous établissons notre base chez le pompiste du village. Sa maison se trouve juste au bord du lac, idéal pour déballer notre matériel et monter les kayaks. Il nous propose des repas copieux pour 80 centimes plus une place à côté du poêle à bois pour la nuit. Il est jeune marié et père d’une petite fille de quelque mois. Nous avons la vision d’un couple tranquille où tout est bien réglé et où chacun a ses tâches bien précises. A quatre heures du matin, le vent s’est levé d’un seul coup et nous avons dû sortir de la tente pour retendre les haubans. Au réveil, la vue de cette étendue d’eau en furie génère beaucoup d’interrogations sur la suite de notre aventure. Nous savons que le climat est très dur dans ce pays et d’autant plus à cette altitude.

Lundi 9 septembre - Le vrai départ

N51°30.161’ - E 100°39.684’ / 4h de rame / 20km / 1646 m

 

8 h du matin, pas de vent. un bon potage à base de mouton (pour changer…) en guise de petit déjeuner dans cette maison en bois faite de deux pièces sur-calfeutrées et d’un congélateur nature (abri en bois à l’extérieur !). Penser que nous sommes dans un endroit chaud et isolé pour la dernière fois, nous incite à en profiter en prenant le temps. Nous vivrons dehors au gré des caprices de la météo et de l’environnement pendant plusieurs jours. Par la fenêtre, le lac moutonne… Un vent de nord-ouest s’est levé et le lac se déchaîne de nouveau. Confiant de l’essai de la veille nous chargeons nos embarcations.

 

Après mûre réflexion, nous avons décidé de ranger les sac de nourriture à l’avant des kayaks, les couchages et la tente à l’arrière pour faciliter l’accès au moment des pauses. Malgré l’excitation et l’appréhension, nous devons nous concentrer afin de décider du premier cap à suivre. Celui-ci est déterminant, d’autant plus que les conditions climatiques forcissent et l’itinéraire prévu auparavant n’est plus possible. d’autant plus que les conditions climatiques forcissent et l’itinéraire prévu auparavant n’est plus possible. Nous optons pour un cap sud-est. Le vent souffle fort et les vagues sont très hautes. 10 h, nos embarcations sont au bord de l’eau. Quelques habitants sont là, intrigués, visiblement sceptique. Ils s’interrogent sur la viabilité de nos embarcations, et peut-être même sur notre état mental…

Il doit leur sembler que cette excursion relève de la folie, aucun d'eux ne s'aventurait sur le lac. Peu de mongols savent nager, difficile d’apprendre ici quand l’eau est gelée 7 mois sur 12, et qu’il fait très froid les autres mois. Matthieu part. je le suis après que “force Tranquille”, surnom que nous avons donné à notre chauffeur lors de nos soirées, m’ait fait la bise !

En un instant les données changent, fini la stabilité de notre chère terre, l’élément eau est maître de la situation. Nous voilà transformés en bouchon flottant. Des creux d’un mètre cinquante nous empêche de nous voir, même lorsque nous naviguons à quelque mètre l’un de l’autre. Après 3h30 d’efforts dans la tempête, nous décidons de rejoindre le rivage. Vent dans le dos, nous surfons les vagues et accélérons avec une facilité étonnante : en quelque secondes, un kayak peut prendre une dizaine de mètres d’avance sur l’autre ! Matthieu accoste avant moi. premier enseignement de la nature et première frayeur : dans la zone des rouleaux de travers, il se fait brusquement happer par une déferlante et se retourne. plus de peur que de mal, le kayak est rempli d’eau mais Matthieu va bien. A mon tour, je retiens la leçon et je me lance dans un accostage frontal avec l’aide de Matthieu qui me maintient le temps que je sorte de mon bateau. le reste de la journée est consacré au montage du bivouac, pêche infructueuse et séchage du matos.

Mardi 10 septembre - Récupération

N 51°20.187’ - E 100°47.180’ / 2h de rame / 10 km

 

Il a gelé cette nuit et les kayaks au bords de l’eau sont encore givrés. Tout est calme sur fond bleu. La tempête est finie et nous retrouvons quelques restes du naufrage de la veille incrustés dans le sable : une paire de lunettes de soleil et le gobelet en plastique qui nous a manqué pour le café… Le riz d’hier soir a rempli nos estomacs. Ce matin, il n’y a pas de réelle velléité culinaire au sein de l’équipe. Le chargement de nos embarcations s’améliore et chaque sac étanche prend une fonction et une place précises, nous sommes autonomes pour au moins 15 jours. Nous quittons la rive. La surface de l’eau est plate et transparente. Le contraste avec la veille est renversant et nous angoisse presque. Nous prenons conscience de ce que nous avons vécu hier. La matinée avance et un petit vent de face se lève nous obligeant à augmenter nos effort pour avancer. La fatigue se fait sentir, nous devons apprivoiser ce nouveau rythme de vie et l’assimiler en prenant notre temps. Nous décidons donc de nous arrêter pour aujourd’hui. Nous dormons 12h !

Mercredi 11 septembre - La nature pourvoit

N 51°05.020’ - E 100°42.957’ / 4 h de rame / 29 km

 

Notre journée commence avec 3,5°C sous la tente, et les kayaks sur la berge sont une fois de plus givrés. Par souci de ne rien perdre pendant la nuit, les bateaux sont attachés à la rive et les jupes sont fermées dessus. Une journée superbe s’annonce et la transparence de l’eau nous surprend encore. Une idée lumineuse nous est venue pendant la soirée : attacher les gobelets en plastique à nos kayaks. Nous pouvons ainsi nous désaltérer avec l’eau sur laquelle nous naviguons ! Dès ce jour nous oublierons l’utilisation de la gourde. Le fond que l’on aperçoit à plus de 5 à 10 m est fait de sable ou de pierre, tout cela est pur sans aucune algue et rien pour troubler la vision. La rive du lac est faite d’une succession de criques plus belle les unes que les autres. Les plages tantôt sablonneuses tantôt herbeuses ou faites de galets sont toutes fournies en bois mort et bien sec pour nous accueillir le soir au bivouac. Fin de l’après midi, l’heure de la pêche est arrivée. Après dix minutes, Matthieu attrape un poisson qui va agrémenter notre dîner de ce soir. Nous ressentons une fantastique sensation d’autonomie et d’abondance ; nous pêchons pour vivre !

Jeudi 12 septembre - Mon beau miroir

N 50°51.020’ - E 100°31.049’ / 6h de rame / 30 km

 

2,5°C sous la tente ce matin. Le ciel est bleu voilé. Nous utilisons une montre qui nous donne toutes les indication nécessaire : température, baromètre, altitude. Durant l’après-midi règne un calme impressionnant, nous pagayons sur une immensité d’huile d’un bleu profond où le reflet de notre équipage apparaît comme dans un miroir. Un petit jeu s’installe entre nous deux, c’est à celui qui fera le moins de bruit et le moins de remous en pagayant. Nous affinons même notre style pour offrir au lac un sillon parfait. Nous sommes vraiment loin de tout et maintenant si proche de l’essentiel.

Vendredi 12 septembre - L'île aux crottes

N50°39.294’ - E 100° 15.241’ / 5h30 / 29 km

 

Petit déjeuner en plein air à 0°C ! Ce matin l’eau est à 6°C et le baromètre chute un peu, mais le temps est relativement stable. Nous coupons pour raccourcir les distances. Le vent se lève devant nous et, avec lui, des distances. Le vent se lève devant nous et, avec lui, des petites vagues. Un îlot se dessine, juste en face de la pointe où l’on se dirige, il n’est pas marqué sur notre carte, on tente le coup ?! De toute manières, nous pourrons rejoindre la rive en cas de problème. L’îlot est en face mais ne semble pas se rapprocher. Cela fait un moment que nous pagayons, et ne pas le voir prendre plus de place dans notre champs de vision nous met les nerfs à vif. Enfin on touche terre après un sprint final. Nous venons de faire 14 km d’affilées avec des vitesse maintenus à 8 km.

Nous le surnommons l’île aux crottes ! Et oui, c’est un tas de cailloux qui sert de nid aux oiseaux migrateur ; après leur passage, il reste donc des fientes et des cadavres d’oiseaux. En prévision de l’effort pour effectuer le retour à la côte, nous nous accordons un vrai repas chaud, ils ne seront pas très variés mais copieux. Pour regagner la côte en continuant sur notre cap il nous faudra parcourir approximativement la même distance. Nous embarquons et passons la pointe est de l’île. De l’autre côté, le vente souffle venant du nord, nous étions du côté abrité de l’îlot !

 

Le lac commence à moutonner, les kayaks font de petits surfs sur les vagues qui, heureusement, arrivent dans notre dos. Le souvenir de la première journée réapparaît. Le temps risque d’évoluer et nous avons encore une bonne distance à abattre. Nous n’échangeons plus de regards. Avancer devient notre principal objectif, nous en oublions les pauses. Après deux bonnes heures de rame, nous nous détendons et faisons une pause dans les kayaks, en plein milieu de la traversée, bercés par la houle. Finalement l’aérologie se stabilise. Nous touchons la rive près d’un camp de yourte. Nous décidons de passer la nuit ici.

Samedi 14 septembre - Imodium day

N 50°27.347’ - E 100°09.939’ / 5h30 de rame / 23 km

 

Vent de face ce matin, les vagues sont encore bien présentes. Motivés par cette supposée dernière journée sur le lac, nous pagayons d’un bon rythme. Le vent et les embruns nous fouettent le visage, les vagues passent par-dessus nos embarcations. Notre moyenne de 3 km/h est la plus faible depuis le départ ! L’heure du déjeuner est arrivée. Fatigués, nous étalons notre repas a l'intérieur d’une crique sablonneuse et à l’abri du vent. Et si on goûtait aux abricots secs ? Nous les avions oubliés et c’est avec plaisir que nous ouvrons le sachet en plastique. Nous nous offrons une bonne ventrée de ces délicieux fruits après presque une semaine de riz-pâtes. C’est aussi ça l’aventure, des petits plaisirs de rien du tout ! Et c’est ainsi que nous perdrons 3 heures, car ce qui n’est pas dit dans l’histoire, c’est qu’une bactérie nous a enseigné la sagesse en nous punissant de notre péché de gourmandise… Imodium prend pitié de moi ! Surprise ou signe du divin, le vent est tombé. Les mystères de l’aérologie mongole sont infinis, nous repartons. Nous établissons le camp à Khagal juste avant l’arrivée sur la rivière.

Dimanche 15 septembre - La rivière

N 50°11.259’ - E 100°03.943’ / 5h de rame / 30 km / 1587 m

 

Il a encore gelé cette nuit et nous devons donner quelques coups de pelle sur le lac afin de briser la glace et retrouver enfin du courant. Départ de Khagal. La surface navigable rétrécit et la profondeur diminue. Nous passons le pont et voilà, fini le lac, à nous la rivière Ergii. Nous nous retrouvons dans un autre environnement, nous devons être précis sur l’orientation : les repères ne sont pas les mêmes. La rivière se ramifie dans tous les sens. il y a de nombreux bras et il s’agit de prendre le bon, le principal. Évidemment, nous manquons la bonne direction et nous nous retrouvons a un endroit où il n’y a plus de fond. L’eau et froid et nous glace les pieds lorsque nous devons tirer et pousser les kayaks pour rejoindre le bras principal. Nous le repérons un peu plus loin. Les ramifications se ferment et la rivière redevient une seule et unique voie. Le courant nous entraîne à 7 km/h. Une distance qui était un effort sur le lac ne l’est plus sur la rivière. Le paysage défile comme un “travelling” grandeur nature, sans donner un coup de pagaie, quel confort ! La vie est tout autour de nous : troupeaux, yourtes, canards, grues et cygnes d’asie ponctuent notre progression. C’est un nouveau rythme de voyage. Nous sentons vraiment qu’il nous faut du temps pour l’adopter. Une steppe de haut plateau nous entoure, le vent souffle. Quelques petits arbres, une berge plus basse et une eau calme, c’est l’endroit que nous choisissons pour le bivouac. Le repas est également assuré puisqu’un poisson de 46 cm se prend à notre ligne !

Lundi 16 septembre - Les nomades

N 49°56.054’ - E 100°21.236’ / 6h de rame / 45 km / 1454 m

 

Ce matin il fait frais et le ciel est couvert. Un nomade vient à notre rencontre. il nous a observés la veille sur la montagne qui nous surplombe en gardant son troupeau de yacks. En serpentant à l’intérieur des boucles de la rivière, à travers une steppe immense, nous sommes une distraction pour les vaches et les yaks… faute de train. Le village d’Alag-Erdene se trouve à une centaine de mètres de la rivière. Prochaine ville : Erdenebulgan, la dernière jusqu’à la rivière Selegue, donc au moins à 200 km. Nous avons encore assez de nourriture pour l’atteindre et nous devrons décider à ce moment-là si nous continuons ou pas. La vallée se resserre et les feuillus se font de plus en plus abondant. Les yourtes de nomades avec leur troupeaux sont proches et nous rentrons doucement dans l’intimité de cette vie. Quelle surprise pour ces gens venu chercher de l’eau - l’eau courante n’existe pas au village - de nous voir dans de drôles d’embarcations ! Nous sommes tellement silencieux que plus d’un se fait surprendre par notre arrivée. Les rapaces sont nombreux sous le ciel nuageux. Des aigles nous surveillent en faisant de grands cercles au-dessus de nos têtes. Nous les trouvons bien curieux ! Nous avons la surprise de rencontrer un troupeau de chameaux. La sensation d’avoir percé un domaine inaccessible et unique nous envoûte. Cette même euphorie que sur le lac nous prends. Les berges deviennent de plus en plus escarpées. Nous évoluons au pied de falaise d’environs 100 m de haut de haut. Grandiose ! Sur une berge plus large, une famille nous invite à boire un thé au lait pour nous réchauffer. Instant magique où l’on apprend les bases de l’accueil nomade : “Viens sans arrière pensée, mange a ta faim et repars. Tu ne refuseras jamais d’ouvrir la porte à un étranger.” L’heure de s’arrêter est arrivée, il fait bon sous les jupes des kayak, beaucoup moins à l’extérieur. La neige commence à tomber. Ce n’est pas un soir propice pour la pêche : pas de poisson pour le dîner.

Mardi 17 septembre - Avaries et vigilance

N49°53.641’ - E 100°50.549’ / 5h de rame / 39 km / 1355 m

 

A 8h30 : 2,4°C sous la tente et -1°C dehors. La neige est tombée cette nuit. Le soleil ne perce pas. Nous avions pris l’habitude de faire nos étirements matinaux aux premiers rayons du soleil, nous les ferons au coin du feu. Cela fait cinq minutes que nous sommes partis. cela fait fix jours que j’utilise mon gouvernail et le système de direction lâche. Il faut vite réparer pour repartir. Sur fond bleu nous traversons des paysage plus larges, parsemés d’herbe et de feuillus d’une couleur orange et jaune. Et si c’était le canada ? Plusieurs fois la rivière tourne en tête d’épingle, il faut être attentif pour anticiper et faire le bon choix des directions. la rivière comporte plus de pièges que le lac. Des branches d’arbres sont tombées dans l’eau et se sont chargées de glace, d’autres pourraient facilement nous faire chavirer… bref ça demande plus de vigilance. La fin de l’après-midi est ensoleillée et agréable. Nous installons notre camp dans une vallée fermée où broute paisiblement un troupeau de chevaux. Le bois mort est à portée de main, et la rivière qui tourne en angle droit forme au pied de notre campement un endroit d’eau calme où quatre lancers nous rapportent quatre poissons. Opulence ce soir !

Mercredi 18 septembre - Une rivière sans temps mort

N50°02.200’ / 5h30 de rame / 44 km / 1209 m

 

Ce matin -3°C dans la tente ! Petit déjeuner avec le poisson de la veille. Un Mongol et son fils nous abordent. Cette vallée quasi inaccessible, c’est chez lui ! “Je voudrais faire venir des touriste ici”, dit-il. C’est vrai que c’est beau chez lui, on se sent bien. Mais que d’efforts pour y arriver. Il n’y a pas de piste ni de village à moins de 100 km. Nous filons sur l’eau. Matthieu casse son gouvernail ! Décidément il y a quelque chose à améliorer sur ce kayak pliable. La rivière se divise en plusieurs bras, certains d’entre eux ne sont pas larges ou les bords sont couverts de végétation, puis débouche sur une prairie. D’un coup, une yourte apparaît ainsi que des troupeaux. Calme sans être ennuyeuse, aux multiples chemins, cette rivière est une attraction sans temps mort. Attention virage en tête d’épingle, il faut relever le gouvernail et ralentir en marche arrière. Positionner le kayak qui est encore lourdement chargé et difficile à manœuvrer. Le courant concentré à cet endroit nous entraîne, et nous nous voyons déjà projetés contre les troncs couchés ! Au dernier moment nous réussissons à les esquiver. Le fond est invisible. Tomber dans cette eau glaciale est notre cauchemar et nous n’osons pas l’imaginer. Le poisson se fait attendre ce soir et l’heure de notre repas approche. Finalement notre patience sera récompensée par une prise de 52 cm ! Un autre lancé; et c’est un second poisson de 55 cm, c’est trop pour deux ! Nous partageons avec les oiseaux qui passent ! Nous sommes bien ; Notre navigation mongole nourrit notre imaginaire et fait naître un prochain projet. Avec d’autre amis cette fois-ci, il faut que l’on fasse partager cette merveille de la nature.

Jeudi 19 septembre - Le froid et la jungle

N 50°05.732’ - E 101°35.045’ / 2h30 de rame / 20 km / 1146 m

 

La rivière se transforme en jungle inextricable recelant de nombreux pièges. Des troncs d’arbre en travers entravent notre progression et nous sommes obligés de nous faufiler. Le lit de la rivière devient de moins en moins confortable à naviguer. Nous arrivons au niveau de la ville Erdenebulgan. C’est la fin de notre périple. Si nous nous engageons plus nous ne pourrons pas faire demi-tour, et il y a au minimum 200 km de rivière inconnue jusqu’à la prochaine ville ; Nous en avons fait 300 en 11 jours et le froid arrive. La dernière nuit il faisait -6° sous la tente et, décidément, nous n’avons pas choisi les bons sacs de couchage. La Mongolie est un formidable terrain de jeux. Nous avons eu le plaisir d’y avoir accès confortablement mais nous n’avons pas envie que cela se transforme en parcour de survie. La sagesse et l’apprentissage passent par là, savoir s’arrêter !

 

“Qu’importe en effet l’issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru. On ne fait pas un voyage, le voyage nous fait et nous défait, il nous invente.” David Le Breton